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Cahuzac, Bernheim : en finir avec la toute-puissance des journalistes

rav_bernheimL’affaire Cahuzac à peine éclose, un nouveau scandale éclate, qui contribue à la crise de la parole publique : on accuse le grand rabbin Gilles Bernheim de ne pas être agrégé de philosophie. « La belle affaire ! » diront certains lecteurs, « je connais bien un curé qui n’a même pas le bac ! » On observera toutefois que le magistère intellectuel du grand rabbin repose notamment sur sa grande culture philosophique. Dernier détail : Bernheim a été accusé de plagiat dans l’un de ses derniers livres, et a reconnu sa faute.

Quels points communs rapprochent ces deux histoires ? J’en vois au moins deux. Dans les deux cas, c’est à une figure hautement respectée pour sa compétence que l’on s’en prend : Bernheim « connaît l’Ancien Testament par coeur », selon Jean-Michel Apathie, et Cahuzac était universellement respecté pour sa connaissance intime des rouages de la fiscalité française. Mais surtout – et c’est là le plus grand danger pour notre démocratie : on pousse un homme à avouer, à s’humilier publiquement, à sortir de scène sous les huées et les crachats, à se diriger vers un long repentir sans espoir et sans joie. Et pour quel profit ? Le budget de l’Etat s’en trouve-t-il mieux ? Les synagogues se rempliront-elles de nouveaux fidèles ? Il est permis d’en douter.

Il faut donc en finir avec cette détestable habitude journalistique, qui consiste à divulguer la vérité, au mépris des personnes concernées. La culture de l’aveu doit cesser. Sans quoi l’on verra bientôt les medias insulter et flétrir toutes les autorités morales, hors-serie-5-Cri-du-Contribuable-depense-publiquequelles qu’elles soient. Encouragés par cette ambiance de lynchage, les journalistes s’en prendront par exemple aux relevés bancaires d’Isabelle Balkany, aux diplômes de Jean Sarkozy, aux amants de Carla Bruni, et aux implants capillaires de Brice Hortefeux. On sent bien qu’ils ont rongé leur frein pendant les cinq dernières années, mais que le goût de l’indépendance commence à leur revenir.

Je conclus sur une note personnelle. Voilà quelques années, un collègue et néanmoins ami m’avait demandé de faire partie du jury de thèse de son beau-frère, qui ne brillait pas par ses qualités intellectuelles, mais finit tout de même par nous remettre un honnête manuscrit de 150 pages, intitulé Grills et chuchotements : une socio-histoire du barbecue. Quelques jours après la soutenance, je réalisai, un peu tard, que j’avais peut-être commis une erreur en acceptant de lui décerner le titre de docteur. Une obscure revue scientifique prétendait vouloir consacrer un dossier à « l’affaire des merguez avariées », comme on commençait à l’appeler. Je pris sur moi d’appeler le directeur de publication pour lui rappeler que mon laboratoire de recherche subventionnait largement sa revue. Le dossier resta lettre morte. Je ne saurais trop encourager le gouvernement actuel à suivre mon exemple, et à mettre en chantier au plus vite une réforme des aides d’Etat à la presse, pour ramener un peu de décence dans le débat public.

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