Interdisons le mariage aux hétérosexuels

Ces derniers jours, un débat ressurgit, dans les colonnes des journaux, à propos du « mariage pour tous ». On aurait pu croire ce débat tranché par la dernière présidentielle : ouvrir aux couples de même sexe le mariage civil figurait parmi les propositions du candidat Hollande (c’était la 31e), elle doit donc être appliquée. Du reste, la plupart des questions de politique économique et sociale devraient donner lieu au même raisonnement : les Français ont choisi, le gouvernement applique, et le peuple n’a plus son mot à dire.

Pourtant, plusieurs voix discordantes se font entendre : ainsi de Monseigneur Vingt-Trois, qui déclare, à peu de choses près, que les homosexuels dénaturent la famille en voulant s’accoupler et se reproduire comme les gens normaux. Ou encore, Christine Boutin, qui, après avoir affirmé pour la énième fois qu’elle a de nombreux amis homosexuels, affirme que la Bible ne mentionne nulle part qu’il s’agirait là d’une sexualité normale, contrairement à l’inceste, par exemple.

Toutes ces pleureuses m’exaspèrent. On sait mon attachement à la laïcité : lorsqu’il m’arrive de me rendre à la messe, pour tel mariage ou tel enterrement, je commence par cracher dans le bénitier, et je ris bruyamment à chaque fois que le prêtre prend la parole. La religion, comme je l’expliquerai bientôt dans le chapitre 4 de mon Que sais-je sur le collectisme, est condamnée à disparaître du fait des progrès de la raison. Nous vivons d’ailleurs, c’est un fait, une époque de déclin religieux quasi-universel, à l’exception de quelques énergumènes arriérés. Raison de plus pour ne pas donner la parole aux curés, imams et autres rabbins, en ce qui concerne le droit civil auquel ils doivent se plier sans broncher.

J’affirme donc que, contre les prétentions des réactionnaires à imposer la loi de Dieu, il faut frapper fort, et instaurer un vrai clivage. Si les couples homosexuels réclament le droit à se marier, accordons-le leur sans plus tarder. Mais, pour les couples hétérosexuels, supprimons cette institution stupide et arriérée, uniquement destinée à faire fructifier la fortune des notaires et à subventionner l’industrie du faire-part et les fleuristes. Je ne vois vraiment pas ce que nos familles y perdront; en revanche, si quelques gays veulent donner dans la caricature en portant des robes blanches et en s’échangeant des alliances, grand bien leur fasse.

Cette mesure entrée en vigueur, il faudra bien que l’Eglise s’adapte : soit elle continuera à célébrer des mariages (gays, s’entend), soit elle renoncera à son tour à cette institution décadente. Comme le disait Lamotte : « Il est temps que le politique imprime sa marque à la société. »

11 Commentaires

Classé dans Collectisme, politique

11 réponses à “Interdisons le mariage aux hétérosexuels

  1. Rhizome

    Tu devrais rajouter en note que Boutin est mariée à son cousin (avec la bénédiction du pape), sinon les gens ne vont pas comprendre le coup de l’inceste.

    • Vous avez raison, mais je répugne à l’utilisation des notes. Du reste, je n’ai pas compris comment je pouvais en faire de manière élégante sur un blogue -mais votre commentaire pallie avantageusement ce manque.

  2. Olivier

    Bien vu, Fernand !
    Interdire le mariage aux hétérosexuels, c’était la conclusion qui s’imposait… Pourquoi aucun autre observateur de la vie politique n’en parle ? J’avoue que sur ce coup là, moi-même, je n’y avais pas songé…
    Mais une fois la révélation faite, la conclusion s’impose.
    Car le mariage des hétérosexuels n’est-il pas le choix de quelques uns imposé à tous ?

    • Vous n’y avez pas pensé, car vous n’avez sans doute pas suivi mon cours « Amour et collectisme : synonymes ou frères ennemis? » Je vous rassure, je donnerai un séminaire à Sciences Po sur ce thème courant janvier

  3. Citizen Kohn.

    Une fois de plus, votre sagacité immense s’exprime, et bien,
    en rappelant que le litige de farandole à propos du mariage
    ne porte que sur le mariage civil, contractuel, et matérialiste.
    Ensuite, vous partez sur une hypothèse de mariage clivant
    qui, venant de vous, vaut parole d’évangile.
    Pour la beauté du verbe, toutefois, qu’il soit permis d’explorer
    le contraire : le mariage nivelant, parce qu’obligatoire, universel
    et répétitif, à défaut d’être multiple et simultané. Dans une société
    vieillissante, ne serait-il pas souhaitable d’apparier les individus
    contre vents et marées pour éviter les découvertes post-caniculaires
    de personnes seules et abandonnées dans un décès sans témoin
    ni invité ? Assez d’interdictions donc, mais passage forcé devant le
    ou la ( ! ! ! ) maire dès l’âge de la majorité atteint ! Pas même besoin
    absolu de choisir son, sa ou ses (eh oui, la barrière du couple, de la paire,
    ne doit-elle pas sauter, elle aussi ?) conjoints car le tirage au sort, pilier
    inscrit dès le début dans l’histoire de la démocratie, pourrait très bien
    combler les manques de détermination. Seriez-vous prêt à réexaminer
    l’équilibre des avantages et des inconvénients du mariage civil élargi,
    automatique et imposé ? Une société moderne inspirée par la pensée
    collectiste ne doit-elle pas être conquérante et dépourvue de préjugés ?

    • Le mariage par tirage au sort est une excellente idée (il me semble que Ségolène Royal avait vanté les mérites de ce système dans la Grèce ancienne, il y a quelques années), mais j’y vois un inconvénient majeur : qu’est ce qui garantit qu’un homme comme moi, par exemple, ne se verra pas attribuer une femme d’une laideur repoussante? Ce serait, avouons-le, ennuyeux pour un esthète comme moi

  4. Walter Fernandez

    Cher Maître,

    Il m’est venu une idée ingénieuse. S’il faut, cela va de soi, interdire le mariage sous sa forme actuelle, ne serait-il pas judicieux de le réinventer de fond en comble ? Je m’explique. Le mariage est censé être la cellule de base de la société. En réalité, il est bien plutôt un facteur de désocialisation, puisqu’il renferme les individus sur une petite cellule sectaire et étouffante. Combien de névroses pourraient d’ailleurs être évitées si l’on abolissait le mariage et la famille tels qu’ils existent aujourd’hui ! Sur ce point, les analyses de Guattari et de Deleuze (in L’Anti-Oedipe) sont indépassables.

    Il suit de là que le mariage n’est pas mauvais en lui-même. Ce qui est pervers, mutilant, névrogène et antisocial, c’est le mariage monogamique et la famille cellulaire qui en découle. Pour pallier ce problème, je suggère que l’État instaure l’obligation pour chaque membre de la société de se marier avec deux personnes au moins (hommes ou femmes, peu importe). C’est du reste une telle pratique que Georges-Guy Lamotte avait expérimentée en son temps (Je renvoie ici les lecteurs de votre blogue à votre ouvrage de référence : Georges-Guy Lamotte – Le dernier des socialistes).

    Seulement, il me semble qu’on pourrait aller encore plus loin que Lamotte. Je sais que ce que je viens d’écrire peut paraître incroyablement présomptueux, mais il me semble que les véritables disciples d’un maître sont ceux qui cherchent à le dépasser. La fidélité à l’esprit du collectisme passe par une certaine liberté à l’égard de la lettre de cette doctrine. Voilà donc ce que je propose : il faudrait faire en sorte que les mariages constituent les maillons d’une longue chaîne qui relierait entre eux tous les membres de la société. Car quand je parlais de l’obligation, pour chacun(e), de se marier avec deux personnes différentes, je n’entendais pas promouvoir les ménages à trois. Voici comment les choses pourraient se présenter : Annette épouse Brahim, qui est lui-même l’époux de Cécile, qui est mariée à Delphine, laquelle est l’épouse d’Eugène, qui est également le mari de François et de Gaston, etc. Ainsi, les liens du mariage ouvriraient chaque personne à tout le reste de la société, et les fêtes de famille seraient toujours d’immenses rassemblements républicains.

    En vous laissant méditer sur cette grandiose perspective, je vous prie, très cher Maître, de recevoir mes salutations amicales et néanmoins respectueuses.

    Votre toujours fidèle,

    Walter Fernandez

    • Cher Walter
      votre proposition me laisse sans voix, tant elle est une magnifique (ré)interprétation de la doctrine lamottienne. J’avoue que la perspective d’une sorte d’amour libre à l’échelle mondiale est pour me plaire. Cependant, je m’interroge sur une conséquence induite: en cas de divorce, la rupture ne risque-t-elle pas, par un effet domino, de dégénérer en guerre nucléaire mondiale? Ce serait là, avouez-le, un résultat fâcheux

  5. Les uns appellent à défiler pour le mariage pour tous;
    les autres contre le mariage pour tous.

    Mais quand verrons nous enfin défiler en masses celles et ceux étant contre le mariage tout court?!

    Serions-nous si isolés à trouver cette tradition dictatoriale totalement insupportable?

    Ne serait-ce point justice que de refuser tout droit (tel celui de se marier) à ceux osant se permettre de les refuser à d’autres?

    En l’interdisant à tous, cela montrerait au moins, une fois pour toutes, à toutes ces sacrément connes de religions, le danger pour elles d’intervenir à l’encontre des droits fondamentaux de ls laïques, qui je le rappelle, sont de jours en jours plus nombreux au fur et à mesure que progresse la raison, et n’ont pas pour vocation, d’être traités en vulgaires paillassons sur les droits desquels on peu se brosser.

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